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Les craintes d’une récession et la faiblesse de la demande chinoise ont pesé sur les produits de base. Mais selon Jennifer Nowski, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, les sociétés du secteur sont peut-être en meilleure position qu’avant pour surmonter ce moment difficile. Elle explique son point de vue à Greg Bonnell de Parlons Argent en direct.
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Même si l’offre restreinte inquiète, les prix des produits de base sont contrastés. Les métaux, le pétrole et le gaz sont souvent stables ou en baisse depuis janvier. Pour comprendre ce qui se cache derrière ces tendances et les conséquences pour le secteur, j’accueille Jennifer Nowski, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Jennifer, c’est un plaisir de vous revoir. C’est un plaisir d’être ici. Merci.
Vous décrivez une situation mitigée dans le secteur. Comment l’expliquez-vous? Que constatez-vous?
Cette année, le débat qui anime le marché des produits de base semble plutôt tourner autour de la demande. Les investisseurs évaluent la trajectoire et le rythme de la reprise en Chine ainsi que le ralentissement de la croissance aux États-Unis et en Europe. Du côté de l’offre, il est vrai que dans certains marchés, elle est en hausse cette année grâce aux projets qui ont vu le jour. Mais cette hausse est en partie annulée par l’insuffisance de la production actuelle et par la rigueur dont les producteurs continuent de faire preuve dans bien des secteurs.
Les produits de base sont souvent cycliques et volatils. La durée des cycles est toujours incertaine. Mais quand on observe des courants contraires, c’est souvent intéressant de se pencher sur le secteur des produits de base.
D’accord. C’est ce que l’on fait aujourd’hui. On examine l’offre d’un côté et la demande de l’autre. Restons sur le sujet de la demande, en particulier en Chine.
En début d’année, elle a levé les restrictions liées à la COVID. Tout le monde y a vu un signal de reprise, tant pour l’économie chinoise que pour l’économie mondiale. La Chine va se remettre à consommer nos produits de base. La réalité a pris une tournure différente. Quand peut-on s’attendre à une reprise de la demande en Chine?
Oui, la Chine est un acteur incontournable du marché des produits de base. Elle représente au moins 50 % de la demande pour certains métaux et environ 16 % de la demande mondiale en pétrole. Mais surtout, elle contribue de manière significative à la croissance de la demande en pétrole depuis de très nombreuses années.
On a vu le rebond des prix des métaux plus tôt cette année, quand la Chine a annoncé fin 2022 qu’elle abandonnait sa politique « zéro COVID ». Les prix des métaux ont commencé à refléter partiellement cette reprise.
Depuis le début de l’année, la Chine se redresse, mais le rythme est quelque peu décevant, surtout par rapport à ce qu’on attendait sur le marché des métaux. Du côté des métaux, le secteur immobilier chinois reste en proie à des faiblesses et se débat avec des problèmes d’endettement.
Du côté du pétrole, les voyages intérieurs ont rebondi et se sont redressés en Chine, mais les voyages internationaux restent bien en deçà des niveaux d’avant la COVID. C’est en partie dû aux goulets d’étranglement pour l’obtention de visas, et par le nombre limité de vols vers le pays.
Face à la faiblesse de la reprise, le gouvernement chinois commence à prendre des mesures pour stimuler l’économie, et a récemment réduit les taux d’intérêt. Ces mesures sont favorables pour le marché des produits de base. Mais je tiens à rappeler que par le passé, la Chine a pris de grandes mesures de relance qui ont fortement stimulé les investissements en immobilisations. Mais à ce stade, il semble qu’elle s’engage dans une autre voie.
Et si on regarde la politique de la Banque centrale chinoise, elle ajuste son taux par paliers de 10 points de base. On est habitués à des mesures plus radicales dans cette région du monde. Si les prix des matières premières restent faibles, qu’est-ce que cela signifie pour les sociétés énergétiques et minières? Comment se portent-elles dans un tel contexte?
Au cours des 5 à 10 dernières années, les prix des produits de base ont reculé. Bon nombre de producteurs ont dû réévaluer leurs stratégies. Ils s’efforcent de réduire les coûts et les dépenses en immobilisations, tout en solidifiant leur bilan. Leurs bilans ont bénéficié d’un coup de pouce ces dernières années avec le raffermissement des prix des produits de base.
Quand on examine les estimations actuelles pour 2023, les sociétés énergétiques et minières à grande capitalisation afficheront probablement un ratio dette nette/BAIIA d’environ 0,5 – un chiffre très solide qui leur procure une certaine protection quelle que soit l’évolution des prix des produits de base.
Il faut aussi garder à l’esprit que certains prix restent encore assez bons pour les producteurs. Quand le baril de pétrole est à 70 $, les producteurs à grande capitalisation tirent des flux de trésorerie disponibles et un rendement à un chiffre élevé. Ce prix reste très solide.
Dans un contexte où de grands producteurs continuent de dégager des flux de trésorerie et où les prix connaissent parfois des périodes de raffermissement, sachant que l’offre pose question, pourquoi n’ont-ils pas investi dans la production? Quelle est la dynamique dans cette partie du marché?
Il y a eu vrai changement d’état d’esprit dans le secteur des ressources. Il y a dix ans, tout tournait autour de la croissance, des grands investissements. Aujourd’hui, ils font preuve d’une grande rigueur dans leurs investissements, et ils produisent du rendement pour leurs actionnaires.
Durant le boom de 2012 à 2014, les dépenses en immobilisations étaient très élevées. Les prix des produits de base étaient élevés. Les sociétés recherchaient la croissance. Puis les prix se sont repliés et elles ont dû réévaluer leur stratégie. Elles ont fortement réduit les dépenses en immobilisations.
Aujourd’hui, on commence à observer un redressement, mais la croissance est très modeste. Elle est en partie attribuable à l’inflation, mais aussi à quelques projets modestes. Toutefois, on est loin du niveau du boom il y a dix ans.
Pourquoi?
Peut-être parce que l’on a tiré les leçons des erreurs du passé. Mais on en revient vraiment à la rigueur financière.
Dans le secteur du gaz de schiste américain où le cycle est généralement plus court, on a compris qu’il est plus efficace de modérer la croissance, avec un taux de croissance de la production de 0 à 5 %. De grandes sociétés pétrolières ont établi des plans de dépenses en immobilisations sur plusieurs années pour ne pas sortir d’une fourchette précise.
Du côté de l’exploitation minière, il y a une complication supplémentaire liée à l’envergure des projets. Il faut beaucoup de temps pour obtenir un permis. On ne peut pas procéder à des changements rapides. Par conséquent, dans les périodes où les prix des produits de base sont volatils, elles hésitent à donner le feu vert à ces grands projets.
Sur le plan macroéconomique, tout cela va sans doute limiter la croissance de l’offre, ce qui contribue à la vigueur des prix.
Parlons de l’avenir de ces sociétés. On voit que les bilans sont plus solides en raison de tous les facteurs que vous avez décrits, même si un ralentissement reste possible et que tout est cyclique. Elles ont de l’argent. Que vont-elles en faire?
Le choix ne manque pas quand on a des liquidités au bilan. À quoi vous attendez-vous? Je m’attends à ce qu’elles maintiennent leur rigueur financière pour adopter une approche équilibrée entre trois options.
D’abord, maintenir la solidité du bilan. Je crois qu’il y a une vraie volonté dans ce sens.
Ensuite, remettre des liquidités sous forme de dividendes et de rachats d’actions. On a examiné les bénéfices du premier trimestre il y a environ un mois. Pour les sociétés énergétiques, l’une des priorités clés portait sur les liquidités remises aux investisseurs.
Troisièmement... les fusions et acquisitions. On note un regain d’activité, mais rien de transformationnel comme au plus fort du dernier cycle. Dans l’ensemble, elles sont bien plus limitées.
Des sociétés aurifères, d’exploration et de production américaines se sont entendues surtout pour consolider la production et pérenniser les stocks à long terme.
Les grandes sociétés minières diversifiées ont aussi conclu quelques ententes, souvent pour obtenir une exposition à des métaux qui, à leur avis, présentent un meilleur profil à long terme. Cette année par exemple, BHP a acheté OZ Minerals, une société de cuivre australienne.
[MUSIQUE]
Même si l’offre restreinte inquiète, les prix des produits de base sont contrastés. Les métaux, le pétrole et le gaz sont souvent stables ou en baisse depuis janvier. Pour comprendre ce qui se cache derrière ces tendances et les conséquences pour le secteur, j’accueille Jennifer Nowski, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Jennifer, c’est un plaisir de vous revoir. C’est un plaisir d’être ici. Merci.
Vous décrivez une situation mitigée dans le secteur. Comment l’expliquez-vous? Que constatez-vous?
Cette année, le débat qui anime le marché des produits de base semble plutôt tourner autour de la demande. Les investisseurs évaluent la trajectoire et le rythme de la reprise en Chine ainsi que le ralentissement de la croissance aux États-Unis et en Europe. Du côté de l’offre, il est vrai que dans certains marchés, elle est en hausse cette année grâce aux projets qui ont vu le jour. Mais cette hausse est en partie annulée par l’insuffisance de la production actuelle et par la rigueur dont les producteurs continuent de faire preuve dans bien des secteurs.
Les produits de base sont souvent cycliques et volatils. La durée des cycles est toujours incertaine. Mais quand on observe des courants contraires, c’est souvent intéressant de se pencher sur le secteur des produits de base.
D’accord. C’est ce que l’on fait aujourd’hui. On examine l’offre d’un côté et la demande de l’autre. Restons sur le sujet de la demande, en particulier en Chine.
En début d’année, elle a levé les restrictions liées à la COVID. Tout le monde y a vu un signal de reprise, tant pour l’économie chinoise que pour l’économie mondiale. La Chine va se remettre à consommer nos produits de base. La réalité a pris une tournure différente. Quand peut-on s’attendre à une reprise de la demande en Chine?
Oui, la Chine est un acteur incontournable du marché des produits de base. Elle représente au moins 50 % de la demande pour certains métaux et environ 16 % de la demande mondiale en pétrole. Mais surtout, elle contribue de manière significative à la croissance de la demande en pétrole depuis de très nombreuses années.
On a vu le rebond des prix des métaux plus tôt cette année, quand la Chine a annoncé fin 2022 qu’elle abandonnait sa politique « zéro COVID ». Les prix des métaux ont commencé à refléter partiellement cette reprise.
Depuis le début de l’année, la Chine se redresse, mais le rythme est quelque peu décevant, surtout par rapport à ce qu’on attendait sur le marché des métaux. Du côté des métaux, le secteur immobilier chinois reste en proie à des faiblesses et se débat avec des problèmes d’endettement.
Du côté du pétrole, les voyages intérieurs ont rebondi et se sont redressés en Chine, mais les voyages internationaux restent bien en deçà des niveaux d’avant la COVID. C’est en partie dû aux goulets d’étranglement pour l’obtention de visas, et par le nombre limité de vols vers le pays.
Face à la faiblesse de la reprise, le gouvernement chinois commence à prendre des mesures pour stimuler l’économie, et a récemment réduit les taux d’intérêt. Ces mesures sont favorables pour le marché des produits de base. Mais je tiens à rappeler que par le passé, la Chine a pris de grandes mesures de relance qui ont fortement stimulé les investissements en immobilisations. Mais à ce stade, il semble qu’elle s’engage dans une autre voie.
Et si on regarde la politique de la Banque centrale chinoise, elle ajuste son taux par paliers de 10 points de base. On est habitués à des mesures plus radicales dans cette région du monde. Si les prix des matières premières restent faibles, qu’est-ce que cela signifie pour les sociétés énergétiques et minières? Comment se portent-elles dans un tel contexte?
Au cours des 5 à 10 dernières années, les prix des produits de base ont reculé. Bon nombre de producteurs ont dû réévaluer leurs stratégies. Ils s’efforcent de réduire les coûts et les dépenses en immobilisations, tout en solidifiant leur bilan. Leurs bilans ont bénéficié d’un coup de pouce ces dernières années avec le raffermissement des prix des produits de base.
Quand on examine les estimations actuelles pour 2023, les sociétés énergétiques et minières à grande capitalisation afficheront probablement un ratio dette nette/BAIIA d’environ 0,5 – un chiffre très solide qui leur procure une certaine protection quelle que soit l’évolution des prix des produits de base.
Il faut aussi garder à l’esprit que certains prix restent encore assez bons pour les producteurs. Quand le baril de pétrole est à 70 $, les producteurs à grande capitalisation tirent des flux de trésorerie disponibles et un rendement à un chiffre élevé. Ce prix reste très solide.
Dans un contexte où de grands producteurs continuent de dégager des flux de trésorerie et où les prix connaissent parfois des périodes de raffermissement, sachant que l’offre pose question, pourquoi n’ont-ils pas investi dans la production? Quelle est la dynamique dans cette partie du marché?
Il y a eu vrai changement d’état d’esprit dans le secteur des ressources. Il y a dix ans, tout tournait autour de la croissance, des grands investissements. Aujourd’hui, ils font preuve d’une grande rigueur dans leurs investissements, et ils produisent du rendement pour leurs actionnaires.
Durant le boom de 2012 à 2014, les dépenses en immobilisations étaient très élevées. Les prix des produits de base étaient élevés. Les sociétés recherchaient la croissance. Puis les prix se sont repliés et elles ont dû réévaluer leur stratégie. Elles ont fortement réduit les dépenses en immobilisations.
Aujourd’hui, on commence à observer un redressement, mais la croissance est très modeste. Elle est en partie attribuable à l’inflation, mais aussi à quelques projets modestes. Toutefois, on est loin du niveau du boom il y a dix ans.
Pourquoi?
Peut-être parce que l’on a tiré les leçons des erreurs du passé. Mais on en revient vraiment à la rigueur financière.
Dans le secteur du gaz de schiste américain où le cycle est généralement plus court, on a compris qu’il est plus efficace de modérer la croissance, avec un taux de croissance de la production de 0 à 5 %. De grandes sociétés pétrolières ont établi des plans de dépenses en immobilisations sur plusieurs années pour ne pas sortir d’une fourchette précise.
Du côté de l’exploitation minière, il y a une complication supplémentaire liée à l’envergure des projets. Il faut beaucoup de temps pour obtenir un permis. On ne peut pas procéder à des changements rapides. Par conséquent, dans les périodes où les prix des produits de base sont volatils, elles hésitent à donner le feu vert à ces grands projets.
Sur le plan macroéconomique, tout cela va sans doute limiter la croissance de l’offre, ce qui contribue à la vigueur des prix.
Parlons de l’avenir de ces sociétés. On voit que les bilans sont plus solides en raison de tous les facteurs que vous avez décrits, même si un ralentissement reste possible et que tout est cyclique. Elles ont de l’argent. Que vont-elles en faire?
Le choix ne manque pas quand on a des liquidités au bilan. À quoi vous attendez-vous? Je m’attends à ce qu’elles maintiennent leur rigueur financière pour adopter une approche équilibrée entre trois options.
D’abord, maintenir la solidité du bilan. Je crois qu’il y a une vraie volonté dans ce sens.
Ensuite, remettre des liquidités sous forme de dividendes et de rachats d’actions. On a examiné les bénéfices du premier trimestre il y a environ un mois. Pour les sociétés énergétiques, l’une des priorités clés portait sur les liquidités remises aux investisseurs.
Troisièmement... les fusions et acquisitions. On note un regain d’activité, mais rien de transformationnel comme au plus fort du dernier cycle. Dans l’ensemble, elles sont bien plus limitées.
Des sociétés aurifères, d’exploration et de production américaines se sont entendues surtout pour consolider la production et pérenniser les stocks à long terme.
Les grandes sociétés minières diversifiées ont aussi conclu quelques ententes, souvent pour obtenir une exposition à des métaux qui, à leur avis, présentent un meilleur profil à long terme. Cette année par exemple, BHP a acheté OZ Minerals, une société de cuivre australienne.
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