L’économie chinoise devait rebondir après la levée des restrictions liées à la COVID-19. Or, elle peine à prendre de l’essor économique. Greg Bonnell discute avec Haining Zha, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD, des nouveaux efforts de relance de Beijing et des défis à venir.
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* Avec la levée des restrictions liées à la pandémie, on prévoyait une forte stimulation de l’économie chinoise, mais dans un contexte de faible croissance, les investisseurs espèrent de plus en plus que Beijing prenne des mesures de relance. Pour discuter de la suite, nous accueillons Haining Zha, gestionnaire de portefeuille à Gestion de Placements TD. Haining, c’est toujours un plaisir de vous revoir. * Je suis ravi d’être avec vous. * Alors, on parle des mesures de relance, discutons de la banque centrale de la Chine. Si je comprends bien, il y a eu quelques changements récemment de la Banque populaire de Chine, qui pourraient être considérés comme des mesures de relance. Que fait-elle exactement? * Il y a quelques jours, la Banque populaire de Chine a réduit son taux opérationnel des mises en pension sur le marché de 10 points de base. Le taux de la facilité de crédit à moyen terme, c’est-à-dire le taux des prêts consentis par la banque centrale au système bancaire commercial, a également été réduit de 10 points de base. Et il est fort probable qu’au cours des prochains jours, le taux préférentiel, qui correspond au taux appliqué aux prêts hypothécaires et aux prêts aux sociétés, sera également réduit dans la même mesure sur la même période. * Que voit la Banque populaire de Chine actuellement dans l’économie pour qu’elle estime avoir besoin de prendre ces mesures? * Alors. La réponse est très simple… les données de l’économie, depuis avril, sont consternantes. Par exemple, sur 12 mois, les ventes au détail, paraissent, pas trop mauvaises, mais d’un mois sur l’autre, ça justifie ce qu’elle fait, parce qu’en avril de l’année dernière, Shanghai était confinée. Tous les chiffres ont souffert de ce faible biais. * Donc, sur un mois, parmi toutes les catégories… on a environ 16 ou 17 sous-catégories… une seule catégorie sur un mois est légèrement positive, de 1 %, 2 %. * Toutes les autres catégories ont beaucoup baissé. Par exemple, les cosmétiques ont reculé de 30 %, le matériel de télécommunications, 20 %. Les choses ne vont pas bien. * Et ce n’est pas la seule donnée faible. L’indice des directeurs d’achats manufacturier est sous les 50 depuis deux mois. De plus, du côté de l’immobilier, au début de l’année, il y a eu une brève… relance. Mais ça a reculé depuis. * Par exemple, le placement immobilier, en baisse de 7 % depuis janvier, et juste en mai, la superficie vendue a diminué de 1 %. Les choses ne vont pas bien. Les banques centrales doivent donc intervenir et mettre fin à cette tendance baissière. * Que se passe-t-il dans l’économie? Parce qu’au début de l’année, on pensait que la levée des restrictions relatives à la COVID suffirait. On pensait que les gens attendaient, comme on l’a fait quand nos restrictions COVID ont été levées, pour retourner sur le marché et dépenser de l’argent qu’il s’agisse de voyages, de repas aux restaurants ou de produits, mais qu’est-ce qui se passe maintenant? Pourquoi les choses traînent-elles autant? * Je pense que la clé, c’est que le marché de l’emploi ne se redresse pas. Les gens ont des économies excédentaires, mais ils les gardent pour les coups durs. S’ils ne retrouvent pas leur emploi, ils ne récupéreront pas leur revenu et ils seront réticents à dépenser. Cela nuira à l’économie chinoise. * D’accord, parlons de ce qui a déjà été fait. Ce que la Banque populaire de Chine a fait, ce qu’elle pourrait faire. Qu’en est-il de la politique monétaire? Qu’en est-il du côté budgétaire? Il y a des rumeurs… Je ne sais pas si ces rumeurs ne sont que des vœux pieux de la part de certains investisseurs… que Beijing puisse prendre des mesures à cet égard. Qu’est-ce qu’elle nous réserve? * Alors, il est très probable que l’assouplissement de la politique monétaire sera accompagné de mesures budgétaires. Il y a donc des rumeurs sur le marché, au sujet de la politique immobilière, par exemple, que la restriction relative à l’achat pourrait être levée. De plus, on dit que le gouvernement va stimuler la consommation dans le secteur automobile. * Il pourrait aussi y avoir l’émission d’une obligation gouvernementale centrale spéciale, soit environ 1 000 milliards de RMB, pour financer la relance budgétaire et l’expansion. * Est-ce que ça serait suffisant? Si on pense aux champs des possibles, est-ce qu’elle actionnerait alors les bons leviers pour redresser l’économie? * Alors, prenons par exemple la politique monétaire, dix points de base, ce n’est pas assez. Mais, lorsque la Réserve fédérale américaine procède à des réductions, elle réduit toujours de 25 points de base. Compte tenu des pressions exercées sur l’économie chinoise, je pense qu’elle doit en faire plus. * Or, elle ne procède presque jamais à des réductions importantes. Elle souhaite adopter une approche graduelle, tester, voir la réaction et l’humeur, recueillir ces signaux et observer le marché. Puis, en faire plus, si ce n’est pas suffisant. * En revanche, je pense que certaines des mesures de relance budgétaire pourraient ne pas très bien fonctionner cette fois-ci. Par exemple, l’élimination des restrictions à l’achat. J’ai mentionné que les gens ne récupèrent pas leur emploi et leur revenu, dans ces circonstances comment vont-ils faire des achats importants? Comme une maison? * Éliminer cette restriction n’engendrera pas beaucoup demesures de relance réelles dans l’économie. * Exactement. C’est un point intéressant. Si vous n’avez pas d’emploi, vous n’allez pas envisager de faire de gros achats. * Qu’en est-il des marchés chinois? Sur le plan de l’évaluation, lorsqu’on prend tout cela en compte, que disent les marchés? * L’évaluation est en fait un avantage pour l’investisseur en ce moment, parce qu’au quatrième trimestre de l’année dernière, l’évaluation était très faible, au-dessus de 10. Mais une faible évaluation ne suffit pas pour que les investisseurs entrent sur le marché. En règle générale, il faut non seulement maintenir une évaluation faible, mais les investisseurs sont profondément méfiants, et il faut qu’il y ait des mesures de relance ou des catalyseurs positifs à l’horizon. * Donc, avant que la banque centrale bouge, l’évaluation était très faible, très pessimiste. Mais on n’avait pas le troisième facteur. Maintenant, les choses sont plus intéressantes. * C’est quelque chose qu’il faut garder à l’œil. Avant de terminer cette conversation, je voulais parler de l’actualité… le secrétaire d’État des États-Unis, Anthony Blinken est en Chine pour rencontrer le président Xi. Comment devrions-nous interpréter cette situation? De toute évidence, il est bon que les deux parties discutent. * Oui, il est toujours bon de parler et de garder la communication ouverte. Et j’ai remarqué que M. Blinken a réitéré le principe d’une seule Chine, et aussi les trois communiqués… ce qui est bon pour la Chine. La Chine y voit un signe positif. * À long terme, cela ne changera probablement pas la configuration géopolitique globale, mais à court terme, c’est une bonne nouvelle. * Certains pensent que cela préparera le terrain pour une rencontre entre le président Xi et le président Biden. Est-ce que cela fera progresser un peu les relations, ou, à tout le moins, empêcher que la situation empire? * Je l’espère. Mais on doit tout de même observer attentivement ce qui se produira d’ici là.