Le dernier budget fédéral fait état de possibles modifications des règles fiscales sur le transfert d’entreprises de parents à enfants. Ces propositions visent à s’assurer que ces transferts d’entreprises intergénérationnels sont authentiques. Kim Parlee reçoit Pierre Letourneau, conseiller en succession d’entreprise à Gestion de patrimoine TD, pour parler de ce qu’il faut retenir des modifications proposées si vous comptez léguer votre entreprise à votre famille.
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Le budget fédéral fait état de possibles modifications des règles fiscales sur le transfert d’entreprises de parents à enfants. Si vous êtes propriétaire d’une entreprise et que vous envisagez de la transmettre à votre famille quand vous prendrez votre retraite, il serait bon de vous y intéresser.
Pierre Letourneau est conseiller en succession d’entreprise à Gestion de patrimoine TD. Il se joint à moi pour approfondir la question. Heureusement que vous êtes là pour décrypter ces nouvelles règles. D’après ce que je comprends, il s’agit de modifier une loi antérieure. Corrigez-moi si je me trompe, mais il s’agit de la loi C-208 de 2021. Pourriez-vous nous en dire plus avant qu’on parle des dernières évolutions.
Bien sûr. Le projet de loi C-208 était un projet d’initiative parlementaire. Le but était d’accorder un allégement fiscal aux parents qui transfèrent des parts d’une petite entreprise à la société d’un enfant. Il y a plusieurs avantages à acheter une société par l’entremise d’une autre. Avant, les règles étaient telles que ce type de transfert était traité comme un dividende pour le parent, plutôt que comme un gain en capital. Normalement, quand vous vendez des parts, vous réalisez un gain en capital. D’accord. L’imposition est différente.
Oui, l’imposition est différente. Les dividendes sont imposés à un taux effectif plus élevé, et on ne pouvait pas se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital pour ces types de transferts. Les nouvelles règles visaient donc à rendre la fiscalité plus équitable quand vous vendez votre entreprise à une société détenue par vos enfants. Le traitement fiscal est le même que si vous vendiez l’entreprise à un tiers.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les problèmes pointés du doigt, notamment le « dépouillement du surplus »? Expliquez-nous. D’accord. Après l’introduction et la promulgation de la première série de règles, le gouvernement a jugé qu’elles offraient trop d’échappatoires. Ces règles permettaient d’extraire des fonds de l’entreprise – ce qu’on appelle le « dépouillement du surplus ». On extrait le surplus sous forme de gains en capital plutôt qu’à titre de dividendes, sans qu’un véritable transfert d’entreprise n’ait lieu. C’était le grand problème avec ces règles sous leur forme initiale.
Ces règles ont été modifiées pour s’assurer que le transfert est authentique. Il doit y avoir un transfert véritable. Quelles sont les conditions, et qu’arrive-t-il ensuite?
Les règles ont été modifiées en ajoutant des conditions à satisfaire pour bénéficier de la fiscalité des gains en capital. Il faut que le transfert soit authentique. Les règles stipulent donc que le contrôle de l’entreprise doit être transféré à l’enfant. Tout intérêt économique doit aussi être transféré, tout comme la gestion de l’entreprise. Les règles limitent également ce que l’enfant peut faire de l’entreprise. Il doit conserver l’entreprise pendant un certain temps après le transfert. Il ne peut pas se contenter de la vendre. Et l’enfant doit aussi continuer de participer à l’entreprise. Voilà donc quelques-unes des conditions à respecter.
C’est intéressant. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte.
Ça peut être compliqué, oui. Il y a beaucoup de nouvelles conditions, mais si le transfert est véritable, il ne devrait pas y avoir de problème pour les respecter.
Et si ces conditions sont réunies, vous bénéficiez du traitement fiscal des gains en capital plutôt que des dividendes.
Exactement, avec tous les avantages que cela comporte.
Expliquez un peu quels sont les avantages des gains en capital par rapport aux dividendes.
La fiscalité est plus avantageuse. Seul le gain est imposé. Si l’entreprise est admissible au statut de petite entreprise, vous profitez de l’exonération cumulative des gains en capital – jusqu’à 970 000 $ environ par personne. C’est donc potentiellement une grosse économie d’impôt sur le transfert de l’entreprise.
Voyez-vous beaucoup de familles léguer des entreprises en ce moment? Est-ce que ces modifications vont inciter les gens à –
Oui, je pense. C’est l’un des problèmes. Je pense qu’il n’y en avait pas tant qu’on pourrait le croire. Dans les faits, ces règles incitaient à vendre à un tiers. D’autres facteurs entrent en ligne de compte, mais il est certain que l’on bénéficiait d’une fiscalité plus avantageuse en vendant l’entreprise à un tiers.
Oui, ces règles dissuadaient de la transmettre à la famille. Le gouvernement avait aussi annoncé l’introduction des fiducies collectives des employés qui permettent à terme de vendre l’entreprise aux employés. Qu’est-ce que c’est?
C’est un mécanisme qui avait été promis dans le budget de l’année dernière, mais qui a finalement été remplacé par la proposition de règles. Il s’agit d’une fiducie qui détient les actions de la société privée au profit des employés. Elle vise à faciliter le transfert aux employés. De nombreux obstacles se dressent quand vous tentez de transférer votre entreprise aux salariés : des obstacles financiers, mais aussi des obstacles pratiques. Ce mécanisme prévoit des incitatifs pour offrir un allégement financier aux employés et les aider à acheter l’entreprise, mais aussi quelques allégements fiscaux pour le propriétaire. Ces incitatifs visent à faciliter les transferts.
C’est intéressant. Il y a beaucoup de nouvelles positives pour les propriétaires d’entreprise qui veulent cristalliser les gains qu’ils ont réalisés en bâtissant leur entreprise au fil des ans. En gardant toutes ces choses à l’esprit, à quoi un propriétaire d’entreprise doit-il réfléchir? On ne vend pas une entreprise en cinq minutes. Il faut bien sûr du temps pour la préparer au transfert. Par où amorcer ce processus?
Je pense qu’il faut s’entourer des gens qui vous donneront de bons conseils. Il n’est jamais trop tôt pour commencer à planifier. Même si vous démarrez tout juste votre entreprise, commencez à planifier pour avoir plus de souplesse à l’avenir. Il est important de faire affaire avec un conseiller de confiance, quelqu’un qui a de l’expérience dans ce domaine et qui peut vous guider tout au long du processus.
Précisez-moi un peu comment faire. Si je décide que je veux vendre mon entreprise disons, dans cinq ans. Vous dites de planifier dès aujourd’hui. À quoi faut-il porter attention pendant la planification et qu’est-ce qui aurait pu m’échapper?
D’abord, commencez à réfléchir à un successeur potentiel. Quand vous avez quelqu’un, demandez-vous comment structurer votre société pour rendre le transfert le plus efficace possible. Si vous n’avez pas trouvé de successeur, il y a peut-être une structure spécifique à mettre en place pour faciliter le processus.
Fantastique, Pierre. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Merci de l’invitation. [LOGO SONORE] [MUSIQUE INSTRUMENTALE]
Le budget fédéral fait état de possibles modifications des règles fiscales sur le transfert d’entreprises de parents à enfants. Si vous êtes propriétaire d’une entreprise et que vous envisagez de la transmettre à votre famille quand vous prendrez votre retraite, il serait bon de vous y intéresser.
Pierre Letourneau est conseiller en succession d’entreprise à Gestion de patrimoine TD. Il se joint à moi pour approfondir la question. Heureusement que vous êtes là pour décrypter ces nouvelles règles. D’après ce que je comprends, il s’agit de modifier une loi antérieure. Corrigez-moi si je me trompe, mais il s’agit de la loi C-208 de 2021. Pourriez-vous nous en dire plus avant qu’on parle des dernières évolutions.
Bien sûr. Le projet de loi C-208 était un projet d’initiative parlementaire. Le but était d’accorder un allégement fiscal aux parents qui transfèrent des parts d’une petite entreprise à la société d’un enfant. Il y a plusieurs avantages à acheter une société par l’entremise d’une autre. Avant, les règles étaient telles que ce type de transfert était traité comme un dividende pour le parent, plutôt que comme un gain en capital. Normalement, quand vous vendez des parts, vous réalisez un gain en capital. D’accord. L’imposition est différente.
Oui, l’imposition est différente. Les dividendes sont imposés à un taux effectif plus élevé, et on ne pouvait pas se prévaloir de l’exonération cumulative des gains en capital pour ces types de transferts. Les nouvelles règles visaient donc à rendre la fiscalité plus équitable quand vous vendez votre entreprise à une société détenue par vos enfants. Le traitement fiscal est le même que si vous vendiez l’entreprise à un tiers.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les problèmes pointés du doigt, notamment le « dépouillement du surplus »? Expliquez-nous. D’accord. Après l’introduction et la promulgation de la première série de règles, le gouvernement a jugé qu’elles offraient trop d’échappatoires. Ces règles permettaient d’extraire des fonds de l’entreprise – ce qu’on appelle le « dépouillement du surplus ». On extrait le surplus sous forme de gains en capital plutôt qu’à titre de dividendes, sans qu’un véritable transfert d’entreprise n’ait lieu. C’était le grand problème avec ces règles sous leur forme initiale.
Ces règles ont été modifiées pour s’assurer que le transfert est authentique. Il doit y avoir un transfert véritable. Quelles sont les conditions, et qu’arrive-t-il ensuite?
Les règles ont été modifiées en ajoutant des conditions à satisfaire pour bénéficier de la fiscalité des gains en capital. Il faut que le transfert soit authentique. Les règles stipulent donc que le contrôle de l’entreprise doit être transféré à l’enfant. Tout intérêt économique doit aussi être transféré, tout comme la gestion de l’entreprise. Les règles limitent également ce que l’enfant peut faire de l’entreprise. Il doit conserver l’entreprise pendant un certain temps après le transfert. Il ne peut pas se contenter de la vendre. Et l’enfant doit aussi continuer de participer à l’entreprise. Voilà donc quelques-unes des conditions à respecter.
C’est intéressant. Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte.
Ça peut être compliqué, oui. Il y a beaucoup de nouvelles conditions, mais si le transfert est véritable, il ne devrait pas y avoir de problème pour les respecter.
Et si ces conditions sont réunies, vous bénéficiez du traitement fiscal des gains en capital plutôt que des dividendes.
Exactement, avec tous les avantages que cela comporte.
Expliquez un peu quels sont les avantages des gains en capital par rapport aux dividendes.
La fiscalité est plus avantageuse. Seul le gain est imposé. Si l’entreprise est admissible au statut de petite entreprise, vous profitez de l’exonération cumulative des gains en capital – jusqu’à 970 000 $ environ par personne. C’est donc potentiellement une grosse économie d’impôt sur le transfert de l’entreprise.
Voyez-vous beaucoup de familles léguer des entreprises en ce moment? Est-ce que ces modifications vont inciter les gens à –
Oui, je pense. C’est l’un des problèmes. Je pense qu’il n’y en avait pas tant qu’on pourrait le croire. Dans les faits, ces règles incitaient à vendre à un tiers. D’autres facteurs entrent en ligne de compte, mais il est certain que l’on bénéficiait d’une fiscalité plus avantageuse en vendant l’entreprise à un tiers.
Oui, ces règles dissuadaient de la transmettre à la famille. Le gouvernement avait aussi annoncé l’introduction des fiducies collectives des employés qui permettent à terme de vendre l’entreprise aux employés. Qu’est-ce que c’est?
C’est un mécanisme qui avait été promis dans le budget de l’année dernière, mais qui a finalement été remplacé par la proposition de règles. Il s’agit d’une fiducie qui détient les actions de la société privée au profit des employés. Elle vise à faciliter le transfert aux employés. De nombreux obstacles se dressent quand vous tentez de transférer votre entreprise aux salariés : des obstacles financiers, mais aussi des obstacles pratiques. Ce mécanisme prévoit des incitatifs pour offrir un allégement financier aux employés et les aider à acheter l’entreprise, mais aussi quelques allégements fiscaux pour le propriétaire. Ces incitatifs visent à faciliter les transferts.
C’est intéressant. Il y a beaucoup de nouvelles positives pour les propriétaires d’entreprise qui veulent cristalliser les gains qu’ils ont réalisés en bâtissant leur entreprise au fil des ans. En gardant toutes ces choses à l’esprit, à quoi un propriétaire d’entreprise doit-il réfléchir? On ne vend pas une entreprise en cinq minutes. Il faut bien sûr du temps pour la préparer au transfert. Par où amorcer ce processus?
Je pense qu’il faut s’entourer des gens qui vous donneront de bons conseils. Il n’est jamais trop tôt pour commencer à planifier. Même si vous démarrez tout juste votre entreprise, commencez à planifier pour avoir plus de souplesse à l’avenir. Il est important de faire affaire avec un conseiller de confiance, quelqu’un qui a de l’expérience dans ce domaine et qui peut vous guider tout au long du processus.
Précisez-moi un peu comment faire. Si je décide que je veux vendre mon entreprise disons, dans cinq ans. Vous dites de planifier dès aujourd’hui. À quoi faut-il porter attention pendant la planification et qu’est-ce qui aurait pu m’échapper?
D’abord, commencez à réfléchir à un successeur potentiel. Quand vous avez quelqu’un, demandez-vous comment structurer votre société pour rendre le transfert le plus efficace possible. Si vous n’avez pas trouvé de successeur, il y a peut-être une structure spécifique à mettre en place pour faciliter le processus.
Fantastique, Pierre. C’est toujours un plaisir de vous recevoir. Merci beaucoup.
Merci de l’invitation. [LOGO SONORE] [MUSIQUE INSTRUMENTALE]